LA CLÉ DE L 'ASCENCEUЯ
LA PIÈCE
Assise devant sa fenêtre, dans son château perché au sommet d’un haut rocher, une châtelaine nous raconte une merveilleuse histoire d’amour. Celle d’une belle et jeune princesse, éprise d’un chevalier parti pour reconquérir son pouvoir et son peuple. Elle attendra son bien-aimé durant tout un hiver, puis toute une année, une vie entière suspendue au souvenir d’un baiser tendre et passionné…
Mais la châtelaine, elle, elle a plus de chance, elle n’a pas attendu en vain durant toute une vie. Son prince a elle la rejoint chaque soir après sa journée de travail. Quelle chance elle a. Résider dans un château. Tout au sommet d’une tour dominant la plaine.
Forteresse dorée…captive dans sa geôle.
Elle pourrait pourtant sortir en empruntant l’ascenseur, mais son mari lui a gentiment pris la clé…et petit à petit son droit de vivre comme une femme libre.
A travers ce soliloque de vie rêvée, le personnage soulève un à un les masques et les fausses apparences qui règlent son quotidien de femme soumise au dictat de la jalousie et de la violence masculine.
NOTE D’INTENTION
En lisant la toute première fois la pièce La clé de l’ascenseur d’Agota Kristof, tout m’est immédiatement apparu : la mise en scène, les lumières, le décor, le trouble de l’émotion et surtout l’obligation de monter ce projet. De dévoiler une réalité taboue de notre monde d’aujourd’hui.
J’ai voulu que la scénographie suive la structure narrative du texte au fur et a mesure que la femme nous révèle la chronique de son existence.
Sur scène, tout n’est que le reflet et la représentation de l’imagination du personnage central de la pièce : un univers flamboyant, d’un autre temps, un monde médiéval fastueux issu des contes tels que nous les ont toujours peints des auteurs tels que Grimm, Perrault ou Andersen. Puis, en pénétrant progressivement dans la conscience de l’épouse, ce prince adulé nous devient moins charmant, ce palais prend des allures de forteresse en matière fragile et cette chambre se transforme en cellule de carton. La clé de l’ascenseur dont le mari s’est emparé se mue en symbole de privation de liberté.
Sur le plateau, le jeu de la comédienne est de faire évoluer tout au long du monologue, la vision du spectateur sur sa condition sociale, mentale et physique.
Dans une société qui ne voit pas ( ou ne cherche pas a voir ), l’auteur fait entendre une parole de révolte, parole étouffée au quotidien par la peur, la honte ou l’impuissance. En bannissant le registre du tragique pour mieux ébranler notre émoi, elle nous livre une fable bouleversante et nous saisi en nous rendant témoin de ce qui, habituellement, est caché.
Cette pièce est un cri de rébellion par et pour ces femmes qui subissent ( en 2019 encore, 1 femme meurt tous les 2 jours sous les coups de son compagnon, ex-conjoint ou petit ami ).
Ce théâtre nous révèle, il nous réveille.
Yannick Dauré Metteur en scène
L’AUTEUR
Agota Kristof, née le 30 octobre 1935 à Csikvánd (Hongrie) et morte le 27 juillet 2011 (à 75 ans) à Neuchâtel, est une écrivaine suisse, poète, romancière et dramaturge. Elle écrit la plus grande partie de son œuvre en français, sa langue d'adoption, qu'elle appelle « ennemie ».
Dramaturge à ses débuts, elle va connaître un grand succès avec sa « trilogie des jumeaux », traduite dans de nombreuses langues. Elle a reçu le Prix littéraire européen d'ADELF pour le premier tome, Le Grand Cahier, en 1987, et le Prix du Livre Inter, pour le troisième, Le Troisième Mensonge, en 1992. En 2008, elle reçoit le prix autrichien pour la littérature européenne pour l'ensemble de son œuvre.
Mère de trois enfants et divorcée deux fois, Agota Kristof a obtenu le Prix Schiller en 2005. Le fonds d'archives d'Agota Kristof se trouve aux Archives littéraires suisses à Berne.
Récompenses
• 2005, Prix Schiller
• 2008, Prix de l'État autrichien pour la littérature européenne
• 2009, Prix de l'institut neuchâteloise
• 2011, Prix Kossuth de l'État hongrois